Face aux propos fumeux de certains bloggers, j'ai écrit une baffouille :
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Si j'écris ce billet, c'est en réaction à un article qu'un ami m'a fait partager. Dans cet article, je peux lire des affirmations comme : Kodak voyait dans le numérique une évolution de la Photo qui allait mettre en danger son fond de commerce principal ou encore En restant sur l’argentique, en ne se mouillant que timidement dans le numérique, Kodak a creusé sa propre tombe.
D'une part, ces arguments sont forgés à l'emporte pièce mais surtout totalement erronés car une simple recherche documentaire aurait prouvé à l'auteur de ces lignes à quel point il était éloigné de la réalité.
Kodak et le numérique : Parmi les pioniers.On a tendance à oublier que Kodak fut un des premiers à lancer le numérique en photographie. Dès 1991, un appareil digital était réalisé, le DCS.
Cet appareil muni d'un boîtier informatique était prévu pour envoyer les images par voie électronique bien avant la popularisation de l'email et la libéralisation de l'Internet. Il s'agit là d'un matériel numérique professionnel. Toujours dans la classe des appareils professionnels, Kodak avait une réelle longueur d'avance sur les concurrents avec son DCS Pro 14. Disponible en monture Nikon ou Canon, cet appareil disposait dès 2002 d'un capteur plein format 14 Mégapixels alors que les concurrents en étaient encore à 4 ou 6 Mégapixels...
On peut également citer le Kodak Photo CD qui annonçait les prémices des films argentiques fournis avec images JPEG que nous connaissons. Malheureusement, ce système est apparu sur le marché à une époque où le particulier n'avait pas d'ordinateur et encore moins l'utilisé de photos numériques.
L'argument comme quoi Kodak est arrivé trop tard sur le marché du numérique est totalement faux, on peut dire qu'ils furent parmi les pionniers de la photo numérique voire même qu'ils sont arrivés trop tôt.
Pourquoi une telle débandade... Kodak n'est pas le seul à avoir des soucis : Konica Minolta et Agfa ont eu de sérieux soucis si bien qu'ils ont abandonné le secteur de la photographie, Ilford a eu de sérieux ennuis tout comme Leica. Les difficultés de Kodak sont en fait liées à la mutation du domaine de la photographie combinée à la crise actuelle.
L'histoire nous apprend, grâce à sa faculté de se répéter, les raisons qui expliquent ces problèmes.
Remontons au début des années 50. Le matériel photographique est Allemand. Rollei, Leica, Iaghee Exakta, Franka, Balda, Nagel, Voigtlander et bien d'autres sont les ténors du marché des appareils. En optique, le marché est tenu par Leitz, Zeiss, Rodenstock, Schneider, Schacht et Steinheil pour ne citer que les plus importants. Ailleurs, seuls quelques fabricants marginaux s'imposent sur des marchés locaux artificiellement maintenus par les protectionnismes d'état : Wrayflex en Angleterre, Alpa en Suisse, Angenieux et Foca en France.
Fin des années 50, de nouveaux acteurs interviennent dans le marché de la photo, les Japonais qui seront plus tard connus sous les noms de Nikon, Canon, Pentax, Yashica, Minolta et quelques autres.
L'industrie photographique allemande en prend un coup ! Des marques comme Leica et Rollei survivent de par leur côté légendaire, Schacht et Steinheil disparaissent et une restructuration des gammes s'impose. La différence entre un photographe professionnel de 1951 et un de 1961 est que le premier utilisait un Exakta ou un Leica, le suivant utilisera un Nikon F.
La raison est simple. Imaginez un village avec un seul boulanger : Ce dernier aura une affaire florissante. Imaginons maintenant le même village avec dix boulangers : Les affaires seront moins rentables. La multiplication des acteurs dans un domaine précis amène une dilution de la clientèle. C'est ce qui s'est passé à l'époque et se répète aujourd'hui.
Dans le milieu de la photographie numérique, nous pouvons constater que des géants de l'électronique se sont lancés dans le domaine. Panasonic, Sony, Samsung ou encore Casio, constructeurs jadis connus pour leurs chaînes stéréo et calculatrices sont désormais des fabricants d'appareils photographiques. Ce sont les "boulangers supplémentaires" qui diluent le marché de la photographie.
Qu'aurait du faire Kodak ? Face à la mutation du marché, personne n'a de véritable solution. La chute de l'utilisation des consommables argentiques chez les pros comme les amateurs a amené une restructuration de l'offre que Kodak a selon moi bien géré. Malgré des erreurs flagrantes de par le passé, le géant américain a réussi a demeurer à flots plus longtemps que les autres acteurs, retardant sa chute.
Mais une fois de plus, nous connaissons la puissance américaine et on peut imaginer que ce qui apparait comme une chute n'est qu'un faux pas duquel Kodak sortira. J'espère ne pas me tromper !